Septoriose

Nom scientifique 

Zymoseptoria tritici (anamorphe : Mycosphaerella graminicola)

La septoriose est la maladie foliaire du blé la plus problématique en Wallonie. Elle est capable de causer de très fortes pertes de rendement. Sur le blé, elle peut être provoquée par deux espèces de champignons : Staganospora nodorum et Zymoseptoria tritici.  Cette dernière est, de nos jours, l’espèce dominante ; S. nodorum est, quant à elle, retrouvée très sporadiquement dans les champs wallons. La septoriose est souvent compliquée à contrôler car aucune variété de blé ne lui est totalement résistante. De plus, l’épidémiologie du champignon lui permet de rapidement développer des résistances à la plupart des fongicides disponibles sur le marché.

Symptômes

Au niveau du champ :

La septoriose est visible très tôt dans la saison. Des symptômes peuvent généralement être observés sur les premières feuilles formées avant l’hiver. A la reprise de la végétation (mars-avril), ceux-ci sont généralement bien visibles dans les champs emblavés avec des variétés sensibles. Il faut observer à ce moment le bas de la végétation pour en trouver. La septoriose progresse généralement du bas vers le haut des plantes. Au remplissage des grains, il n’est pas rare de l’observer sur les 3 derniers étages foliaires, même dans des champs traités (Figure 1).

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Figure 1 : Symptômes de septoriose sur les derniers étages foliaires. Source : CRA-W.

Sur feuille

Deux types de symptômes sont observées :

 

Des taches brunes rougeâtres, de formes ovales ou rectangulaires souvent bordées d’un halo jaune (Figure 2).

Lors de la contamination d’une feuille, les symptômes débutent par l’apparition de petites taches brunes. L’aspect des symptômes de Z. tritici est assez diversifié. Les taches se formant sur le bord des limbes sont souvent irrégulières. Au milieu du limbe, les taches forment des motifs plus géométriques, étendues longitudinalement suite à la contrainte des nervures. Plus tard, les symptômes évoluent aussi en largeur pour se rejoindre et former de grandes plages irrégulières entrainant la nécrose partielle ou totale de la feuille. à ce moment, Les taches peuvent virer au gris clair. Elles sont visibles sur les deux faces du limbe. Le champignon fructifie sous forme de pycnides, de petits points noirs dans les taches nécrosées.

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Figure 2 : premier type de symptômes de septoriose sur feuille : taches brunes rougeâtres, de formes ovales ou rectangulaires souvent bordées d’un halo jaune et contenant des petites ponctuations noires. Source : CRA-W.

Multiples petites taches blanches allongées (Figure 3).

Ces taches apparaissent généralement entre mai et juin sur les derniers étages foliaires des plantes. Elles ne sont néanmoins pas visibles chaque année. Il semblerait que certaines variétés soient plus propices à exprimer ce type de symptômes. Ces taches finissent par croitre pour se réunir en évoluant de la même façon que les premiers symptômes décrits.

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Figure 3 : Deuxième type de symptômes de septoriose sur feuille : multiples petites taches blanches allongées. Source : CRA-W.

A ne pas confondre : Septoriose / Helminthosporiose (Figure 4)

Septoriose : présence de pycnides (petits points noirs) à l’intérieur des taches. Il est possible d’observer les cirrhes avec une loupe de poche, à la rosée du matin.

Helminthosporiose : les taches sont elliptiques et bien délimitées avec des bordures bien jaunes. L’helminthosporiose forme également un unique point brun au centre de la nécrose lorsque les conditions d’humidité sont réunies. Au binoculaire, des conidiophores et de grandes conidies sont visibles.

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Figure 4 : Ne pas confondre septoriose (à gauche) et helminthosporiose du blé (à droite). La première présentera toujours des ponctuations noires au centre des nécroses.

Épidémiologie

Le développement d’une épidémie de septoriose dans un champ de blé implique deux types de propagules de dispersions:

  • les ascospores transportées par le vent et formées dans les périthèces lors de la reproduction sexuée ;
  • les pycnidiospores dispersées majoritairement par les éclaboussures de pluie et formées dans les pycnides lors de la reproduction asexuée.

La Figure 5 reprend étape par étape le cycle de développement de la septoriose:

  1. Dans un système de rotation des cultures, l'infection primaire des plantes est causée principalement par les ascospores  transportées par le vent et produites sur les résidus des cultures précédentes de blé. Les ascospores contaminent les jeunes plants par les stomates des feuilles.
  2. Les premières lésions sur les jeunes plants développent des pycnides.
  3. Dispersion secondaire via les pycnidiospores (dispersion verticale et horizontale) par contact entre les feuilles et par les éclaboussures de pluie.
  4. a. Les pycnides se développant sur les lésions produisent d’énormes quantités de pycnidiospores tout au long de la saison culturale.
    b. Des périthèces issus du cycle sexué se développent aussi sur les lésions, libérant des ascospores mobiles qui peuvent aussi contaminer les plants de blé.
  5. Le pathogène passe l'hiver sous forme de mycélium, de pycnide, de périthèce sur les débris de cultures, sur les cultures semées en automne et sur les repousses.


Figure 5 : Cycle de la  septoriose causé par Zymoseptoria tritici.  Figure adaptée de Ponomarenko et al., 2011.

Inoculation primaire du champ

Le pathogène peut survivre d'une saison de culture de blé à l'autre sous forme de mycélium, de pycnide ou de périthèce sur les résidus de culture et sur les repousses. Les ascospores formées sur les résidus de culture sont la principale source d'infection primaire des jeunes plantes de blé émergentes. Dans des conditions humides, les ascospores sont libérées des périthèces et peuvent parcourir de longues distances, contaminant les champs nouvellement semés. Sur un précédent blé, les pycnidiospores provenant des résidus peuvent aussi contaminer les jeunes plants de blé. Dans les deux cas, l'infection par les spores se produit à travers les stomates des feuilles. Le pathogène colonise la feuille à travers le mésophile. Dans des conditions d'infection optimales, le mésophile est détruit après plus ou moins 10 jours, entraînant la chlorose initiale et la nécrose de la feuille. Des pycnides globuleuses brunes ou noires issues de la reproduction asexuée apparaissant dans les lésions après 14 à 21 jours (Figure 6). Ce temps de latence est directement dépendant de la température.

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Figure 6 : pycnides globuleuses brunes ou noires issues de la reproduction asexuée.

Propagation secondaire dans le champ

Les spores asexuées, pycnidiospores exsudent des pycnides dans des cirrhes blanchâtres lorsque la surface des feuilles est mouillée. Les pycnidiospores sont ensuite transportées soit via l’action de la pluie soit par simple contact entre feuille ou grâce au ruissellement de l’eau présente sur une feuille provenant de fines pluies ou de la rosée. Les ascopores issues de la reproduction sexuée jouent également un rôle dans la dispersion du pathogène plus tard dans la saison culturale (voir « en savoir plus » à la fin de la fiche). En effet, il a été mis en évidence que le cycle sexué de la septoriose a aussi lieu tout au long de la saison culturale. Il est possible de capturer des ascospores aériennes au-dessus des champs wallons tout au long de l’année.

Néanmoins, la progression de septoriose de la partie inférieure de la plante vers les feuilles supérieures se réalise principalement grâce aux éclaboussures de pluie transportant les pycnidiospores. L'infection par les pycnidiospores nécessite des conditions humides et des températures supérieures à 3-4 °C. Le temps nécessaire pour compléter le cycle asexué dépend en grande partie de la température (optimum = 20°C). En Belgique, elle dure généralement de 17 à 21 jours au printemps et au début de l'été. Les conditions d’infection par les ascospores sont similaires, toutefois le temps de latence serait légèrement plus long (entre 3 et 4 jours).

 

Situations à risque

Risque au niveau du champ :

Il existe de fortes différences de sensibilité variétale. Les variétés très sensibles rendent le contrôle de la maladie délicat lorsque les conditions climatiques sont favorables au développement de la septoriose.

Les variétés tolérantes permettront souvent de retarder le premier traitement contre cette maladie et de réaliser des économies sur la protection fongicide.

La maladie s’implante plus vite avec un précédent blé.

Les densités de semis élevées ainsi qu’une fumure azotée importante sont généralement associées à une plus forte pression de la maladie.

Risques liés au climat :

Un automne humide et chaud suivi d’un hiver peu rigoureux permettent une implantation optimale de la maladie dans la jeune culture.

Toutefois, c’est surtout les conditions climatiques à partir du redressement qui vont déterminer l’impact de la maladie sur le rendement. Durant les mois d’avril, de mai et de juin, des précipitions intenses (>= 0.6 mm/heure) à répétition permettent une progression de la maladie sur les différents étages foliaires successivement formés.  Des températures moyennes élevées (14°-20°C) diminuent  le temps de latence raccourcissant la durée des cycles de reproduction.

 

Méthodes de lutte

En agriculture conventionnelle, le contrôle de la septoriose doit être réalisé grâce à une approche intégrée qui combine le choix de variété partiellement résistante, des pratiques culturales adaptées, la rotation des cultures et des applications fongicides raisonnées.

Leviers agronomiques

  • Les variétés

Les principales variétés disponibles sont testées annuellement pour évaluer leur niveau de résistance à la septoriose. Les niveaux de résistance sont rapportés chaque année en septembre (Livre Blanc Céréales, édition septembre, Gembloux) permettant aux agriculteurs de faire un choix approprié.

  • Les pratiques culturales

En plus de l'utilisation des variétés résistantes, le labour et la rotation des cultures sont également des pratiques qui peuvent réduire le potentiel d'inoculum primaire. Néanmoins, l'inoculum primaire est rarement un élément limitant.

Le semis plus tardif résulte souvent en une moins bonne implantation de la maladie dans la culture avant l’hiver. Ceci aura pour conséquence une progression plus lente de l’épidémie au début du printemps surtout si l’hiver a été rigoureux.

Lutte chimique

Un programme fongicide réfléchi est souvent essentiel pour parvenir à un contrôle adéquat de cette maladie. En effet, il n'existe aucune variété avec une résistance totale.

Lorsque la pression est élevée au début de la saison, un traitement initial peut être appliqué autour du stade deuxième nœud (BBCH 32). Ce traitement a pour but ralentir la progression verticale de la maladie. En cas d’application à ce stade, un autre traitement devra être appliqué maximum de 3-4 semaines plus tard pour protéger la dernière feuille, la plus importante à protéger.

Si la pression de la maladie est faible au début du printemps, les applications de fongicides peuvent être reportées au stade dernière feuille (BBCH 39) ou même à l’épiaison (BBCH 55). Cette situation est souvent observée avec des variétés tolérantes ou en cas de faibles précipitations lors de la première moitié du printemps (avril à mi-mai).

Au début du printemps, des conseils sur le contrôle de la septoriose sont donnés aux agriculteurs sur la base d'observations de la pression de la maladie dans un réseau de parcelles de blé non traitées établies annuellement en Wallonie. Ces avis sont relayés chaque semaine par le CADCO.

Attention : Grace à la plasticité de son génome et à son épidémiologie, la septoriose est capable de développer rapidement des résistances à la plupart des fongicides.  Il est donc important que  les programmes fongicides respectent les principes limitant le développement des résistances.  La meilleure façon d'éviter la sélection de souches résistantes consiste à limiter autant que possible le nombre de traitements et à diversifier les modes d’action et les substances actives. Par exemple, dans un programme fongicide à deux traitements (2ème nœud et épiaison), il faut idéalement utiliser des substances actives différentes lors des deux traitements.

Le contrôle de la septoriose repose principalement sur les triazoles et les SDHI.  Les SDHI sont cependant plus efficaces que les triazoles seules.  Ces deux types de substances actives sont très souvent associés dans un même produit pour en augmenter l’efficacité et réduire le risque de développement de résistance.  Lorsqu’un traitement au stade 2ème nœud (BBCH 32) est nécessaire, l’utilisation des SDHI sera préférentiellement réservée pour le second traitement.  Au stade 2ème nœud, l’adjonction d’un « multi-sites », comme le  chlorothalonil, aux triazoles permet des solutions techniquement et économiquement intéressantes.  Cet ajout permettrait également de diminuer la présence des souches résistantes dans le champ et leur multiplication ultérieure. Les strobilurines n’offrent plus une efficacité suffisante contre la septoriose mais apportent souvent une amélioration en association avec une triazole et/ou une SDHI.

En savoir plus

La dispersion verticale de Zymoseptria tritici

La dispersion verticale se réfère à la progression d’un pathogène de la partie inférieure de la plante à la partie supérieure, tandis que dispersion horizontale désigne la dispersion d'une plante à l'autre à la même hauteur. En Belgique, l’inoculation primaire de la septoriose est principalement réalisée par les ascospores. Après le temps de latence, les premiers pycnides sont visibles. Les pycnidiospores peuvent alors être dispersées par les éclaboussures de pluie dans un rayon de maximum 1 m, le nombre de spores dispersées diminuant rapidement avec la distance. Des études sur la génétique des populations ont montré que la dispersion des clones dans une culture est généralement limitée à environ 1m2. Malgré cette faible capacité de dispersion, une culture peut être rapidement contaminée par la septoriose étant donné l'énorme potentiel de production de pycnidiospores provenant d'une seule infection (entre 50 000 et 500 000 spores) et les conditions relativement larges nécessaires aux infections des spores. Après un ou deux cycles asexués, les symptômes peuvent généralement être observés partout dans le champ, même lorsque l'infection primaire est modérée. Dès lors, l'infection primaire par les ascospores n’est généralement pas considérée comme un facteur limitant dans l’épidémie. La sévérité des épidémies est davantage déterminée par la rapidité du développement des feuilles et les conditions environnementales (conditions climatiques et type de variété). La septoriose peut causer des pertes économiques graves si des surfaces importantes des trois derniers étages foliaires sont contaminées. C’est pourquoi bien comprendre la dispersion verticale du pathogène est très important.

La dispersion verticale est principalement due aux éclaboussures de pluies transportant les  pycnidiospores. Toutefois l'efficacité de ce mécanisme de dispersion peut être considérablement diminuée si le taux de croissance des cultures est rapide et si la maladie est basse dans la canopée. En effet, les éclaboussures sont capables de transporter efficacement les spores vers le haut des plantes seulement de un voire deux étages foliaires à la fois. Un autre moyen de progression verticale de la maladie peut impliquer les ascospores, qui sont les spores produites par la reproduction sexuée. Plusieurs cycles sexués peuvent se produire au cours d'une saison culturale. En Wallonie, il a été observé que les ascospores étaient piégées dans les champs tout au long de la saison culturale, avec un profil saisonnier. De plus, des périthèces sont régulièrement observés sur les feuilles de blé à partir de mars. Les travaux basés sur des analyses génétiques supposent aussi que la recombinaison sexuelle se produit souvent pendant la saison. Toutefois, les périthèces issus du cycle sexué sont généralement produits longtemps après que les premières pycnides soient observées dans une culture. Les périthèces produisent aussi beaucoup moins de spores que les pycnides. Cependant, les ascospores ont une mobilité très élevée et peuvent être produites sur des résidus longtemps après la récolte. Ces spores mobiles pourraient donc être responsables des premières infections sur les feuilles supérieures des plantes, accélérant ainsi la dispersion verticale de la maladie. Le cycle asexué pourrait ensuite prendre le relais et être responsable de la propagation horizontale et de l'augmentation la surface couverte par les symptômes au sein des étages foliaires supérieurs.